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mercredi 26 janvier 2011 à 18h30

Café géograhie : "YIWU : naissance d’un supermarché mondial"

Débat "YIWU (Chine) : naissance d'un supermarché mondial" présenté et animé par Olivier Pliez (Géographe CNRS Toulouse)

Des États-Unis à la Russie, du Mexique à l'Inde, du Brésil à l'Algérie en passant par l'Afrique de l'Ouest, la montée en puissance des places marchandes chinoises comme sources d'approvisionnement aux prix imbattables est amplement médiatisée depuis l'adhésion de la République Populaire de Chine à l'OMC en 2001. Le marché BOP (Base Of the Pyramid), longtemps considéré comme non rentable, en est la cible grâce à son poids démographique (4 milliards d'individus gagnant moins de 3000 $/ an), économique (5000 milliards $/ an) et sa flexibilité (c'est, selon le BIT, à plus de 70% une économie souterraine).

Le « marché des pauvres » serait-il en train de se doter d'un (ou de plusieurs) centre(s) ? Depuis le milieu des années 2000, des dizaines de milliers de commerçants viennent s'approvisionner à Yiwu (Chine), à proximité de Shanghai, le plus important marché de gros du monde dans le domaine des menus articles. Durant 364 jours par an, 58 000 boutiques d'usines y proposent 400 000 catégories de produits, ensuite revendus à des centaines de millions de consommateurs, majoritairement au Sud.

Yiwu est un véritable cas d'école d'espaces émergents à l'intersection du district industriel et du quartier urbain cosmopolite. Comment un tel comptoir économique est-il organisé et signifié localement par les acteurs qui l'animent ? La réputation de Yiwu est désormais assise. Halte incontournable pour des commerçants du monde entier depuis 2001, (la ville réalise les 2/3° de ses ventes totales à l'exportation), elle est surtout identifiée comme la ville fréquentée par les commerçants arabes : Yiwu sait accueillir les hôtes musulmans. Autour du marché, une véritable ville s'est formée afin d'accueillir importateurs, traducteurs et migrants du monde entier. L'imbrication des réseaux économiques, migratoires, confessionnels y redéfinissent les conditions de l'hospitalité dans un contexte global.

Dans quelle mesure les contextes économique et géopolitique influent-ils sur les routes transnationales qui lient Yiwu à des marchés situés sur l'ensemble de la planète ? De multiples facteurs doivent être combinés afin de saisir ce rayonnement : contrefaçon (80% des produits fabriqués à Yiwu), crise financière (banqueroute du relais majeur qu'est Dubaï), 11 septembre (banalisation de la destination chinoise comme source d'approvisionnement des négociants musulmans), stratégies frontalières autour de la Chine ou de l'Europe qui ferment, ouvrent ou réorientent des routes aux entrepreneurs migrants... A contrario de l'image parfois globalisante que les médias nous donnent à voir (Chine-Afrique, Chine-Monde arabe), la construction de ces nouvelles « routes de la Soie » renvoie à un travail inscrit dans la durée, fondé sur les pratiques, savoir-faire et compétences d'acteurs multiples, grossistes, fabricants, intermédiaires, traducteurs, migrants, pouvoirs publics locaux... qui composent avec les barrières protectionnistes, les frontières ou les législations. Car par-delà les liens interétatiques, si visibles, se tissent aussi des réseaux transfrontaliers, transnationaux, des continuités économiques ou religieuses.

La concurrence entre les places marchandes de la « mondialisation par le bas » est vive. Comment les Etats, les pouvoirs municipaux, les chambres de commerce en deviennent-elles des acteurs ? Comment sont-elles médiatisées ? Attraction touristique, conditions d'hospitalité et relations de ces enclaves avec le reste de la ville deviennent des enjeux d'aménagement et de médiatisation à l'échelle globale.

Olivier PLIEZ (CNRS / LISST Toulouse)

Source : http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_artic
Source : message reçu le 24 janvier 16h

Lien : https://toulouse.demosphere.net/rv/1189