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mercredi 23 février 2011 à 18h30

Débat "Concessions de terres tropicales : une colonisation réinventée ?"

CONCESSIONS DE TERRES TROPICALES : une colonisation réinventée ?

Débat "Concessions de terres tropicales : une colonisation réinventée ?" animé par Bernard Sallée (Agronome Cirad-Montpellier) et Jean-Christian Tulet (Géographe CNRS Toulouse) le mercredi 23 février 2011 à 18h30 au Papagayo (Place Anatole France, métro Capitole)

Dans la dernière livraison d'une nouvelle revue de géographie ("Carto, un monde en cartes", n° 3 de déc./ janvier 2011, disponible chez les marchands de journaux...), Jean Paul Charvet présente un dossier intitulé "Comment nourrir le monde en 2050 ?". Une des cartes de ce dossier porte sur ce qu'il nomme le "land grabbing", c'est-à-dire les concessions de terres accordées par des institutions nationales à des entités étrangères, publiques ou privées. D'après cette carte, 10 Etats auraient ainsi acheté ou loué un total de près de 8 millions d'hectares (7,87 exactement) dans des pays situés principalement en Afrique ou en Asie du Sud-est. Cela représente l'équivalent de la surface de 16 départements français.

Ce phénomène non seulement ne cesse de s'amplifier, mais il semble très largement sous-estimé. Selon une note récente de la Banque mondiale, citée dans le même article, la Chine et l'Arabie saoudite auraient déjà pris, chacune, le contrôle de plus de 10 millions d'hectares dans différents pays étrangers, soit, pour l'une et l'autre, une surface largement supérieure à celle du Portugal ! Un demi-siècle après les indépendances de nombre de pays du Tiers monde, souvent obtenues grâce à des luttes où le retour du contrôle de la terre aux ressortissant nationaux a joué un rôle essentiel, il est en train de se produire une nouvelle aliénation du patrimoine national des pays les plus vulnérables au profit d'intérêts étrangers.

Le cas du Laos n'est certes pas le plus important. Toutefois l'analyse de ce qui se passe dans une des régions de ce pays, le Plateau des Bolovens, illustre quels sont les enjeux et les conséquences d'un tel phénomène. Après de très nombreuses vicissitudes, la caféiculture de cette région est en train d'opérer une réorientation vers une production de qualité, dont les résultats sont déjà tout à fait tangibles, avec une amélioration du niveau de vie des petits producteurs et des effets d'entraînement sur l'ensemble de la région. Cette transformation radicale demeure fragile, surtout pour des producteurs qui pour la plupart ne disposent que de moins de 5 ha.

Elle risque d'être largement compromise par la cession de surfaces souvent importantes (des centaines, voire des milliers d'hectares) à des entrepreneurs étrangers (Thaïlandais et Vietnamiens en majorité), alors que les descendants des petits caféiculteurs n'obtiennent plus, ou très difficilement, le droit de mettre en valeur les quelques hectares auxquels ils pourraient prétendre. On va donc vers un blocage du foncier et le développement des nuisances subies par les caféiculteurs. Cela ne laisse pas de provoquer un mécontentement de plus en plus perceptible et important, ce qui pourrait provoquer à terme de sérieux problèmes.

Jean-Christian TULET

(Géographe, C.N.R.S., Toulouse-Le Mirail)

Source : http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_artic...

Lien : https://toulouse.demosphere.net/rv/1314