jeudi 20 septembre 2018 à 19h30
Festival scientifique Alternatiba - Les risques dits "naturels"
https://toulouse.demosphere.net/rv/17871
Petite pause prévue dans la cour vers 21h, vous pouvez apporter un petit casse-croute et / ou boisson non-alcoolisée à partager (ou pas)
Enjeux sociaux et politiques au cœur des risques climatiques dits "naturels"
Julien Boucharel, Chercheur en océanographie tropicale au laboratoire LEGOS (CNES-CNRS-IRD-Univ Toulouse Paul Sabatier)
Cyclones tropicaux, El Niño et le battement d'aile des papillons : Comment comprendre la complexité climatique ?
Etudier et comprendre le réchauffement climatique est l'un des enjeux sociétaux et économiques majeurs du 21eme siècle. Pour s'attaquer le plus efficacement à ce challenge, il est nécessaire d'appréhender et comprendre au mieux l'ensemble de la variabilité naturelle (i.e. d'origine non anthropique) du système climatique terrestre. Celle-ci, sur laquelle se superpose le réchauffement global, s'étale sur un long continuum d'échelle temporelle, de la journée au millénaire, a des origines directes et indirectes complexes, et reste pour la plupart encore mal comprise par les climatologues. Les forçages climatiques directs sont issus des conditions astronomiques. Par exemple, la rotation de la Terre induit une variabilité du climat à l'échelle journalière ; certains paramètres orbitaux tel que l'excentricité sont responsables de la variabilité saisonnière... S'ajoute à ces forçages externes une multitude de mécanismes internes au « système Terre » issus d'interactions complexes entre les conditions océaniques, atmosphériques et continentales. L'objectif de cette présentation est, dans un premier temps, de décrire les principaux acteurs de la variabilité climatique de l'échelle intra saisonnière (typiquement quelques semaines) à décennales. Ces «modes de variabilité» ont reçu l'attention des scientifiques depuis longtemps et leurs principales caractéristiques sont dans l'ensemble bien comprises, ce qui a amené de réels progrès dans la prévision climatique. Cependant, les théories élaborées par les climatologues reposent sur des hypothèses souvent trop simplificatrices qui ne permettent pas d'appréhender toute la richesse et la complexité (i.e. l'irrégularité) du climat. Récemment, l'application de techniques issues d'autres domaines scientifiques, telles que l'étude des systèmes dynamiques non linéaires, la « théorie du chaos », ont permis des avancées remarquables dans la compréhension de cette irrégularité climatique et de fait dans l'amélioration des systèmes de prévision. Ce sera l'objet de la deuxième partie de cette conférence. Enfin, à titre d'exemple, nous verrons comment les concepts décrits précédemment permettent d'envisager une nette amélioration de la prévision saisonnière et sub-saisonnière de l'activité cyclonique dans le bassin Pacifique.
Gilles Arfeuille, Professeur en sciences de l'environnement à Université de Colima, Mexique
L'expansion des tropiques, désertification, et les tempêtes sans noms.
Certaines modifications du climat clairement observées depuis plusieurs décennies sont difficiles à expliquer, faisant intervenir des processus complexes et à différentes échelles spatiales et temporelles. On observe ainsi un phénomène d'expansion des tropiques, mettant en jeu les circulations d'air chaud et humide tropical et d'air froid et sec redescendant dans la zone subtropicale et formant les grands déserts de notre planète (circuit connu sous le nom de « cellule de Hadley »), sur des latitudes de plus en plus étendues. Cette extension s'accompagne de trajectoires de cyclones tropicaux atteignant leur maximum d'intensité de plus en plus au nord dans l'hémisphère nord, et de plus en plus au sud dans l'hémisphère sud. D'autres phénomènes moins connus sous les latitudes moyennes comme celles de l'Europe accompagnent cette expansion et peuvent affecter les populations vulnérables à ceux-ci. Les plus marquants sont ce que la presse internationale a nommé les tempêtes sans noms (techniquement appelés « systèmes convectifs de méso-échelle ») avec leurs précipitations aussi extrêmes qu'un ouragan de catégorie majeure, mais pour lesquelles les populations sont moins préparées que celles sensibilisées aux risques associés aux cyclones tropicaux, qui eux ont un nom. Les trajectoires de ces tempêtes sans nom et leurs développements sont associés à des « courants-jets de basses couches ». Pour leur part la formation et variabilité de ces courants-jets sont associées à des « dépressions thermiques » qui sont d'autant moins connues sous les latitudes moyennes. Quand la masse d'air est suffisamment sèche, les courants-jets et les dépressions thermiques sont aussi générateurs de conditions idéales pour la sécheresse et la propagation des incendies. Dans la zone subtropicale, cette expansion des tropiques s'accompagne dans certaines régions d'une désertification s'étendant de façon parfois brutale et non petit à petit comme nous voudrions ou aimerions le penser. Tous ces phénomènes font partie des mécanismes associés à l'expansion des tropiques et la désertification des zones intermédiaires. Ils correspondent à des échelles et structures plus difficiles à modéliser et présentent donc un défi pour nos prédictions à court terme et nos projections à long terme. Les risques sont d'autant plus difficiles à gérer que les phénomènes sont mal connus, de là augmentant notre vulnérabilité et possiblement notre exposition. Des exemples récents de ces phénomènes nous permettent d'en apprendre un peu plus, de mieux nous préparer dans le futur, et d'essayer de percevoir sinon de comprendre complètement la dynamique accompagnant l'expansion des tropiques.
Julien Rebotier, Chercheur en géographie au laboratoire LISST (Univ Toulouse Jean Jaurès-CNRS-ENFSEA-EHESS)
Non! Les risques ne sont pas naturels : Comprendre les leviers de la construction sociale des risques pour les (dés)activer.
Voilà bientôt 50 ans que la recherche sur les risques de désastres dits naturels reconnaît que les aléas naturels n'expliquent pas (même principalement) les dommages en cas de désastre. Pourtant, tant les financements, que les programmes de recherche, la demande sociale ou la commande des décideurs mettent l'accent sur la connaissance de l'aléa naturel, encore aujourd'hui. Si des initiatives de recherche en interdisciplinarité sur les risques sont toujours plus nombreuses, et que des efforts pour "dénaturaliser" le risque se multiplient, le regard dominant et légitime sur les risques continue d'être formaté par les approches des sciences de la terre, du vivant ou de l'ingénieur... comme si ce qui posait problème, était principalement donné (non pas construit), et pour l'essentiel extérieur au monde social. La prise de conscience des risques industriels et des aspects délétères du progrès dans l'intervalle 1960s 1980s n'a finalement pas bouleversé la donne. La question du changement climatique et de l'anthropocène y parviendront-ils ? Dans un registre voisin, les retours d'expérience de la crise financière globale de 2008 n'ont pas véritablement "moralisé le capitalisme"... La conférence propose de montrer les multiples ressorts par lesquels les "risques naturels" sont socialement construits et, bien sûr, inégalement répartis dans le temps, à travers l'espace et parmi le monde social. La construction intervient dans les formes matérielles d'occupation de l'espace (occuper ou pas un espace exposé); mais aussi très concrètement dans les façons d'identifier les risques (ceux qui sont au sommet de l'agenda et ceux qu'on néglige); dans les types de population ou d'espace qui sont (inégalement) concernés; dans les solutions envisagées (fortement comptables de la manière de poser les problèmes de risque); ou encore dans l'injonction faite à la recherche d'être "utile socialement". Si ce dernier point semble légitime, plus encore pour la recherche sur les risques (réduire les pertes, humaines et matérielles), il convient de ne jamais oublier qu'il n'y a "d'utilité sociale" que située (utile à qui, pour quoi, et à quel titre). Principalement bâtie sur des cas d'étude, la conférence puisera parmi des exemples en France et en Amérique latine, mobilisant des contextes sociaux et territoriaux fort différents. Le partage d'expérience avec l'assistance occupera, au besoin, portion congrue du temps imparti.
Lien : https://toulouse.demosphere.net/rv/17871
Source : https://alternatives.sciencesconf.org
Source : message reçu le 13 septembre 17h