thème :   2e le plus vu
Réagir (0)EnvoyeriCalPartager

jeudi 9 juin 2011 à 20h

Appel à une insurrection du désir

Appel à une insurrection du désir !

Nous ne sommes pas capitalisables, nous sommes ingouvernables.

En 42 ans, la marche, dite, des fiertés homosexuelles est devenue une institution tristement normalisée et se montre, dorénavant, comme parfaitement dépolitisée.

Pourtant en 1969, à New York, une répression policière au bar homosexuel Stonewall Inn déclenche une série de manifestations contre l'autoritarisme étatique. Cette lutte populaire et politique contre l'ordre moral demeure exemplaire pour toutes celles et pour tous ceux qui souhaitent définir et assumer l'orientation et les pratiques sexuelles qui leur agréent en les inscrivant, clairement, au coeur d'enjeux politiques et révolutionnaires. Le FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) ou, plus contemporain, le collectif des Panthères Roses prolongent cette revendication d'une liberté de la sexualité alliée aux luttes sociales anticapitalistes.

Les actions, menées lors des années 1980, se sont principalement axées sur de la lutte contre le SIDA. L'objectif était, à la fois, de dénoncer la stigmatisation dont étaient victimes les populations homosexuelles mais, également, d'exiger de l'État la prise en charge de cette épidémie afin d'en limiter, au mieux, l'incidence.

Sans remettre en question la légitimité et la nécessité de cette lutte, celle-ci entraîne, malgré elle, une mise à l'écart des revendications révolutionnaires et sociales au sein du mouvement LGBT (Lesbienne, Gay, Bi, Trans) occultées par une marchandisation de la sexualité. Par cette dépolitisation, le mouvement n'a fait qu'obéir au carcan normatif d'une population hétérosexuelle pour qui les homosexuel-le-s ne s'épanouiraient que dans les limites d'une sexualité consumériste, libidinale et superficielle.

Aujourd'hui, le seul héritage des émeutes de Stonewall serait donc la Gaypride... C'est pourquoi, il est, plus que jamais, nécessaire de se rapproprier cette manifestation. En effet, la population, dite, LGBT tend progressivement à se fondre dans un moule normatif dicté par les règles du patriarcat, par essence, hétérosexiste. Le combat pour l'institution du mariage homosexuel est, en ce sens, un exemple probant.

Bien que la revendication de l'égalité des droits soit évidemment juste, le combat pour l'union civile entérinée par l'État doit être remis en question. Sanctifié par l'Église puis repris par la République, le mariage oblige à un modèle du couple et à une trajectoire de vie prisonniers de toutes les bassesses et de toutes les hypocrisies. Si d'aucun-e-s hétérosexuel-le-s ont toujours revendiqué le mariage à leur profit, pourquoi les homosexuel-le-s devraient-ils/elles, en tant que personnes pointées comme différentes sinon déviantes, se soumettre à ce schéma coercitif ?

Pour couronner le tout, ajoutons à cela, un défilé qui a, cette année, pour nauséeux et lamentable mot d'ordre « En 2011, marchons, en 2012, votons ! ». Mais pourquoi les homosexuelle-s devraient-ils/elles céder au diktat d'une démocratie bourgeoise ? À aucun moment, nous ne devons accepter d'enchaîner nos vies, nos désirs et nos rêves, aux pitoyables mièvreries et aux casuistiques jérémiades d'un État capitaliste qui, pour l'unique intérêt de quelques-uns, n'a de cesse d'asservir et d'appauvrir le peuple.

C'est ici que l'apport théorique et militant du mouvement Queer est, plus que jamais, important. Des auteures telles que Judith Butler ou Marie Hélène Bourcier ont, en effet, permis de réconcilier la politique et la sexualité en réhabilitant la portée subversive du désir et du plaisir.

En France, cette volonté trouve notamment son plein épanouissement avec le mouvement,dit, Transpédégouine. S'inspirant des théories féministes du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) et du Black Feminism, les transpédégouines se revendiquent comme, foncièrement, anticapitalistes, antisexistes, antiracistes et anarchistes. Par ce qualificatif, les personnes désavouées par l'homophobie se rapproprient les insultes et les clichés véhiculé-e-s par la société dominante. Elles redonnent ainsi une charge politique et une dignité à ce qui n'était, jusque-là, qu'oppressions et avilissements. Au-delà, la bisexualité, trop souvent négligée sinon niée, demeure fréquemment perçue, tantôt, comme une mode, tantôt, comme une peur d'assumer son homosexualité. Le désir et le plaisir n'ont pourtant pas à être déterminés autrement que par les personnes qui les vivent. Cette liberté de l'individu à se définir et à s'assumer comme tel concerne, d'ailleurs, tout autant les personnes qui font le choix de la prostitution. La liberté de disposer de son corps doit redonner une capacité d'action aux individu-e-s auxquel-le-s la parole a été confisquée.


Affirmer, enfin, la sexualité comme un acte militant pose aussi la question de la
déconstruction du genre. Les transsexuel-le-s sont, aujourd'hui encore, classé-e-s et analysé-e-s, dans la presque totalité des pays, comme des malades mentaux-les. Si la France a retiré le transsexualisme de la liste des affections psychiatriques (Décret paru au Journal officiel), ne serait ce pas pour mieux réduire la part des soins prise en charge par la Sécurité sociale ? De fait, elle rendrait l'accès aux traitements plus difficile encore et elle renforcerait l'exclusion sociale. Loin de trouver son fondement au sein d'une hypothétique cause naturelle, la difficulté du passage d'un sexe à un autre, et d'un genre à un autre, vient d'une Société qui fige et qui cloisonne les identités sexuelles et sexuées à la faveur d'un modèle dominant légitimé par de fallacieuses références à la nature et à la morale. Les préjugés restent ainsi enfermés dans le cadre d'une dichotomie mâle/femelle et femme/homme. Cette fade et trop rassurante dualité contribue, finalement, au renforcement du contrôle des individus par le Capital et par l'État. Ceci, tout simplement, parce qu'elle ne remet, à aucun moment, en question la famille comme noyau du système capitaliste de reproduction de la force de travail. Au sein de la structure familiale se développe, en effet, les
germes de la soumission à l'autorité patriarcale, du sexisme et de la misogynie, de la hiérarchie des individus et du déterminisme des rôles sociaux.


Trans, trav', pédés, gouines, bi', prostitué-e-s, féministes ou anarchistes, nous refusons, toutes et tous, de nous soumettre à quelque ordre moral ou social. Nous refusons, par ailleurs, de voir un outil de lutte et d'émancipation devenir une pathétique kermesse où les récupérations marchandes le disputent aux manoeuvres électoralistes. Nous réaffirmons, ici, toute l'importance de l'enjeu politique sous-jacent à la libre expression de nos choix individuels, de nos sentiments et de nos pratiques. Parce que nous exprimons la toute-puissance du désir et la farouche contestation du capitalisme, nous sommes révolutionnaires !

Pour que la marche sorte du folklore consumériste LGBT, nous appelons à organiser une réunion le jeudi 9 juin, à 20h00, au Chat noir (18, avenue de la Gloire, 31500 Toulouse) afin de constituer un cortège libertaire, féministe, antipatriarcal, antisexiste et de réfléchir, ensemble, aux possibles actions à mener...

Source : message reçu le 7 juin 10h

Lien : https://toulouse.demosphere.net/rv/2281