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samedi 2 décembre 2023 à 15h

Groupe de parole entre personnes ayant été exclues

Au début de l'été nous avons reporté notre groupe de parole entre personnes exclues, organisé dans le cadre d'une série de groupes de parole.

Pour nous présenter d'abord, nous sommes un collectif informel de trois personnes qui organise depuis janvier 2023 des discussions autour des conflits, entendus comme les crises qui traversent nos groupes et nos milieux et contribuent à les faire éclater ou à les redéfinir. À la suite de plusieurs discussions1 depuis le début de l'année 2023 nous avons lancé une série de groupes de parole autour de l'exclusion.

Ces groupes de parole s'adressaient aux personnes ayant initié ou pris part à une exclusion (24 juin), aux personnes s'étant auto-exclues (1ᵉʳ juillet), et enfin aux personnes ayant été exclues ou ostracisées (4 juillet, suspendu puis reporté au 2 décembre), en mixité entre personnes concernées par ces situations.

Des critiques ont été faites à ce dernier groupe de parole, en particulier un mail adressé au local qui nous accueillait, suivi d'un post Instagram. Ces critiques dénonçaient des pratiques « antiféministes » au motif que nous fournirions un espace « entre agresseurs » et dévoierions le concept de mixité choisie.

Ça nous a permis de constater des manquements et des impensés de notre part, comme de ne pas avoir pris le soin de rédiger clairement nos bases politiques, nécessaires à fonder une entente politique minimale entre participant·e·s à nos événements. Nous nous excusons sincèrement pour ce manque de rigueur et ce que ça a pu entraîner comme gêne et malentendus.

Ce texte est donc à la fois une réponse expliquant le report de ce groupe de parole, et, on l'espère un éclairage sur nos bases politiques et nos positionnements vis-à-vis de la thématique abordée : l'exclusion.

Pour commencer, il nous faut dénoncer l'amalgame entre personnes exclues et personnes agresseuses : les motifs d'exclusion sont extrêmement divers.

Ce groupe n'est pas et ne sera pas un groupe de parole « entre agressaires » : nous n'avons aucunement l'intention que ce groupe soit un moment entre personnes ayant commis des agressions et refusant de se remettre en question, mais entre personnes ayant été exclues ou ostracisées qui souhaitent chercher des solutions pour aller vers un mieux dans la gestion de nos conflits intracommunautaires.

Dans ce but, nous ne trouvons pas de mixité qui nous convienne totalement. Nous ne pensons pas que réduire la mixité à telle ou telle identité protège de la mauvaise foi, du déni ou de comportements autocentrés. Il n'y a pas de monstre par essence, mais des systèmes monstrueux qui provoquent chez les individus des réponses violentes et dominatrices. Malgré tout, nous allons fermer le groupe aux mecs cis hétéro, car nous savons que c'est une condition pour que certaines personnes sexisées puissent se sentir de participer.

Nous regrettons d'avoir parlé de « ressenti » dans notre premier appel, ce qui a pu faire entendre que le groupe allait être un moment d'auto-apitoiement. Nous proposerons un cadre espérant ainsi limiter un maximum ce genre de comportements, comptant également sur la responsabilité collective du groupe pour prendre soin au mieux de ce moment et refuser ensemble les comportements qui viendraient altérer la qualité des échanges.

Le plus important pour nous c'est de nous retrouver entre personnes qui adhèrent clairement à nos buts. Ils sont depuis le début :

  • aller vers un mieux dans la gestion de nos conflits intracommunautaires (féministe, queer anarcho/punk, autre) ;
  • permettre un espace de discussion sur ces sujets, lancer des dynamiques d'événements divers autour des conflits au sens large ;
  • proposer un autre cadre, créer une culture militante qui prend soin de nous toustes pour faire réellement communauté.

De plus, nous souhaitons expérimenter, et donc nous autoriser à tâtonner et apprendre ensemble de nouvelles approches vis-à-vis du conflit pour mettre à la poubelle la fuite, le déni, les logiques punitives ou moralisatrices.

Autrement dit, on réfléchit à d'autres outils qui mènent à une réelle transformation des comportements, permettant le soin et la réparation des blessures autant que la remise en question durable et radicale des comportements blessants.

Nous critiquons l'utilisation quasi-systématique de l'exclusion et d'approches punitives qui relèvent davantage du dressage que de la transformation sincère. On voit la sanction, tout comme la prison, comme un outil défectueux et une impasse politique.

Notre démarche s'inscrit dans une approche transformatrice, féministe, queer, critique de toutes les oppressions et des systèmes qui les sous-tendent : en d'autres termes, notre approche se veut révolutionnaire.

Cependant, nous ne voulons pas opposer l'idéal politique à la réalité du « terrain ». Nous sommes conscient·e·s que l'exclusion peut être nécessaire dans certains cas, notamment pour que les personnes victimes d'agressions et de discriminations puissent continuer de fréquenter leurs assos, milieux, etc.

Dans tous les cas nous voulons repenser cet outil, pour ce qu'il est : un outil, un certain moyen de réponse, et donc s'en servir en fonction des besoins réels et non pas d'une projection morale.

Nous voulons nous dire qu'à des moments c'est opportun de s'en servir, mais qu'à d'autres moments ça ne l'est pas : et c'est ça que nous essayons de définir ensemble pour éviter les réponses toutes faites qui déshumanisent tout le monde (victimes comprises).

Ainsi :

Nous critiquons clairement que cet outil se systématise à l'ensemble de la communauté queer et d'autres, ne touchant pas des personnes véritablement privilégiées, intouchables, qui ont la capacité et le pouvoir de se défendre.

Nous critiquons que l'exclusion soit toujours définitive et ne prenne pas en compte la capacité des individus à se remettre en question, modifier leur comportement et donner réparation.

Nous critiquons que l'exclusion ne soit pas toujours assortie d'une explication claire, ce qui amène la personne exclue à réintégrer de nouveaux espaces sans avoir pris connaissance des comportements à travailler.

Nous critiquons que des situations de conflits soient amalgamées avec des situations d'agressions.

Nous critiquons la binarité victime/agressaire, et le fait de baser tout notre jugement sur la première personne qui se dit victime.

Nous critiquons que des choix d'exclusion puissent se faire sur la base de ressentis, sur un « sentiment d'agression » et non d'actes réels et sans hiérarchie des situations.

Nous critiquons que certaines personnes se réapproprient des histoires d'agressions pour effectuer des exclusions sans demander l'avis des personnes directement concernées et que ces histoires servent finalement surtout à satisfaire des égos mal-placés.

Nous critiquons que, encore une fois, les besoins des personnes victimes ne soient souvent pas écoutés ni même demandés.

Nous critiquons le fait que des personnes vont exclure pour se montrer vénères, avec une compétition à la radicalité créant une atmosphère de méfiance et de peur et contribuant à ce que rien ne change, et surtout pas les hiérarchies sociales militantes et communautaires, ce qui participe aussi à l'auto-exclusion des personnes les plus vulnérables.

Nous critiquons que les situations de handicaps et neuroatypie ne soient pas assez prises en compte, menant à de nombreuses exclusions et ostracisations de personnes ne correspondant pas à la norme neurotypique et valide.

Nous critiquons le fait de calquer des représentations hétérosexuelles sur des relations queers, en victimisant la personne la plus fem et en condamnant la personne plus masc ou en révélant la transmisogynie si courante dans les milieux queer et/ou TPBG.

Nous critiquons les dynamiques de rumeurs, de on-dits, qui mènent à mettre de nombreuses personnes à l'écart sans qu'elles aient jamais connaissance de ce qu'on leur reproche ou la possibilité de s'expliquer et d'échanger.

Nous critiquons la non-prise en compte des effets de l'exclusion sur la santé mentale et physique des personnes exclues, et l'utilisation de l'exclusion à la légère ou sous prétexte que les gens sont trop fatigués pour gérer des conflits.

Nous critiquons que les gens aient trop peur d'être exclus pour être capables de se positionner contre quelque chose qui leur semble injuste.

Nous critiquons que l'exclusion amène très rarement à changer des comportements problématiques, mais parfois les aggrave.

Nous critiquons que la peur de l'exclusion et la déshumanisation des agressaires dissuade des personnes de se questionner ou de reconnaître leurs propres comportements problématiques.

Nous critiquons qu'il soit plus risqué de reconnaître ses torts que de les nier.

Nous critiquons ces logiques qui nous auto-détruisent en prétendant nous empuissancer.

Nous déplorons les luttes intestines et nous inscrivons radicalement en désaccord avec les comportements sapants et autodestructeurs qui font le nid des fachos, de l'État et du capitalisme depuis aussi longtemps que ces dérives de l'histoire existent.

Nous essayerons toujours d'accueillir la critique et de la comprendre pour continuer sans cesse de faire de notre mieux, sachant que notre mieux de maintenant n'est pas « Le Bien » et qu'avec un peu de chance on fera encore mieux plus tard, du moins tant qu'on garde a l'esprit qu'on n'atteindra jamais « Le Bien ». Pour nous, la critique est nécessaire, perpétuelle et ancrée dans le dialogue.

Pour conclure, nous avons donc décidé de reporter ce groupe de parole, le samedi 2 décembre 2023 à Toulouse à l'espace 87 (87, rue du 10 Avril, entre matabiau et jolimont), avec un rendez-vous à 15h (possibilité d'arriver à partir de 14h45)

Ce groupe est limité à 10 places.

Pour t'inscrire, écris-nous à : exclexusionfanexzine@proexton.me

Au plaisir d'essayer ensemble,

Éris, Eoz et Delf.

*1) La peur du conflit, 2) Distinguer conflit et agression, 3) La place du groupe dans les conflits, 4) À quels besoins l'exclusion tente-t-elle de répondre.

Lien : https://toulouse.demosphere.net/rv/28613
Source : message reçu le 15 novembre 16h