lundi 4 février 2013 à 20h45
Café Politique : Une approche politique de la société numérique
Café Politique
Une approche politique de la société numérique
https://toulouse.demosphere.net/rv/5236
Lundi 4 février 20h45
Salle de réception du stade de Balma
Entrée libre, participation facultative.
Invité : Nikos Smyrnaios
Maître de conférences à l'Université de Toulouse
Chercheur au laboratoire d'études et de recherches appliquées en sciences sociales
L'ordinateur Sequoïa fait 16,2 millions de milliards d'opérations à la seconde. Puissance de calcul obtenue grâce à une grande maîtrise d'algorithmes mathématiques et aux progrès technologiques dans la construction des ordinateurs. La volonté de maîtriser les calculs est fort ancienne mais ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que le développement des ordinateurs a permis de numériser les images, les sons et le langage. La possibilité de mettre en réseau ces données numérisées à ouvert la voie à Internet. Les initiateurs scientifiques, notamment les physiciens du CERN, ont vite été suivis par le monde marchand. En quelques années les possibilités de communication interpersonnelle ont explosé, Internet est devenu une immense médiathèque virtuelle mondialisée, et de nouveaux réseaux relationnels fortement déterritorialisés sont apparus. La numérisation du monde et des hommes a déjà fortement impacté presque tous les secteurs de la société. Les questionnements actuels autour de "l'open data" ou du "big data" montrent que le processus n'est pas arrivé à son terme.
Des philosophes et des intellectuels comme Raffaele Simone, Michel Serres, Paul Virilio ou Paul Levy donnent leur avis qui oscillent entre optimisme et catastrophisme, mais tous pointent les conséquences anthropologiques de cette profonde mutation de notre manière de percevoir le monde et de communiquer avec les autres. Les sociologues analysent la fracture numérique et ses effets délétères ou l'influence des réseaux sociaux, les juristes s'interrogent sur le retard du droit et sur les dérives possibles en termes de liberté, les artistes et les écrivains s'inquiètent pour leur droit d'auteur, les médecins utilisent ces technologies pour mieux nous soigner, les financiers pour mieux spéculer, les militaires pour faire la guerre, les multinationales pour étendre leur emprise, etc..., etc...
Si cette numérisation a eu du succès, c'est qu'elle a apporté des avantages à la société et beaucoup d'argent à certains. Son développement s'est construit autour d'une demande sociale et autour de logiques économiques. Les risques de contrôle social, d'accentuation des inégalités ou de super crash informatique sont régulièrement abordés, mais vite oubliés. L'État doit-il réguler Internet ? Certainement un peu, dans le respect de la liberté des individus, mais les lois DADVSI et Hadopi pour protéger les intérêts des entreprises commerciales n'ont pas fait preuve d'une grande pertinence. La question de la neutralité de l'Internet n'est toujours pas tranchée. Internet est un bien public mondial, qui a bien du mal, dans l'ambiance néolibérale actuelle, a être considéré comme tel. L'autonomie des grands acteurs du secteur ainsi que leurs responsabilités respectives doivent être clairement définis au niveau de l'ONU, en charge pour chaque pays de faire respecter une philosophie commune. L'immensité des données individuelles ou collectives intéresse le monde économique et les pouvoirs en place, mais la capacité de traiter ces informations induit aussi de nouvelles responsabilités. La santé par exemple est un secteur qui a bien su utiliser la numérisation comme moyen d'exploration du corps humain, mais qui a périodiquement des problèmes avec les données épidémiologiques. Le fonctionnement de la société dépend trop de ce monde informatique pour que l'on puisse compter uniquement sur l'autorégulation par les forces du marché.
Le changement récent de gouvernement n'a pas changé d'un iota le discours officiel : "Internet irrigue et façonne tous les pans de notre société. Avec le numérique, le monde s'est engagé dans une mutation sociale et économique qui s'apparente, par son ampleur, à une nouvelle révolution industrielle. Les pouvoirs publics doivent encourager cette dynamique en utilisant le levier numérique dans le redressement économique de la France, en assurant l'accès de tous aux technologies, et en garantissant les nouvelles libertés offertes par Internet.... "( Fleur Pellerin). A l'image de la Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Économie numérique, la classe politique, semble incapable de donner un sens politique à toutes ces transformations sociales et économiques et se contente d'accompagner le développement du numérique tout en essayant de modérer les excès.
Montée en puissance de la numérisation et confrontation avec les limites physiques de la planète sont les caractéristiques de notre époque. Peut-on faire une analyse politique de ce nouveau monde qui émerge ? Les responsables politiques ne doivent-ils pas anticiper les évolutions sociales et économiques induites par cette révolution pour essayer de l'orienter positivement ? Les grands principes fondateurs de la démocratie, comme l'autonomie des citoyens, ou le choix des grandes orientations de la société par le peuple, sont-ils toujours d'actualité dans ce monde où règne le yottabit et le pétaflops ?
Pour nous aider dans notre réflexion nous avons invité Nikos Smyrnaios, Maître de conférences à l'Université de Toulouse et chercheur dans l'équipe Médiapolis du laboratoire d'études et de recherches appliquées en sciences sociales.
Raffaele Simone : Pris dans la toile. L'esprit aux temps du Web, Paris, Gallimard, 2012.
Michel Serres : Petite Poucette, Éditions Le Pommier 2012
Paul Virilio : La bombe informatique, Galilée, 1998.
Paul Levy : Cyberdémocratie. Essai de philosophie politique. Éditions Jacob, Paris 2002
Yottabit : 10^24 bits
Petaflops : 10^15 opérations par seconde
A lire : Les données, puissance du futur
http://www.lemonde.fr/idees/article...
A regarder : le site de l'intervenant.
http://nikos.smyrnaios.free.fr/fran...
Lien : https://toulouse.demosphere.net/rv/5236
Source : http://lecafepolitique.free.fr/spip.php?rubri
Source : message reçu le 31 janvier 09h